Reportage d'Elise, concert de Bruxelles, le 12 mars 2014
La perspective d’un concert d’Indochine me divise toujours entre impatience et appréhension. C’est un sentiment indicible, de partager avec des milliers d’autres quelque chose de si intime qu’il paraissait n’être qu’à soi. Que soi, même. Et puis il y a les campeurs et ceux qui ne le sont pas, ceux qui ont un numéro sur la main et ceux qui n’en ont pas, l’angoisse, d’être devant la porte qui ne s’ouvrira pas. Et puis l’attente, interminable… Mais je le refais, encore et encore. Ce mercredi 12 mars, je me suis à nouveau rappelé pourquoi.
Indochine procède autrement : on ne va pas voir Indochine, on entre en Indochine. C’est envoûtant, les volutes d’encens ; la foule appelle. Plus forte la musique ; la foule hurle. Les écrans se déploient, les silhouettes se dessinent, une ville autour, Indochine se matérialise. De loin mais je tremble les canons explosent. Je rentre dans ta vie et…
Les milliers d’autres ont disparu, tout est confondu un seul corps un seul cœur un seul cri. Indochine lui a donné la vie, mais on ne saurait plus distinguer maintenant. Douze mille personnes sont désormais Indochine, et soi une entité qui n’a plus de limites physiques, portée par des bras gigantesques. Ils la déploient et lui montrent les gestes.
Le concert a duré près de trois heures, le temps de trente-trois morceaux. Un équilibre parfait entre les chansons du très très vieux groupe (sic) et celui du Black City Parade, mais c’est inutile : on les connaît toutes par cœur. Les confettis pleuvent sous Traffic Girl, J’ai Demandé à la Lune disparait derrière les banderoles, et L’Aventurier apparaît dans des colonnes de feu. Sans parler des ballons lancés à travers la foule, et de ceux qu’elle brandit aux couleurs de la Belgique, de ce cœur qui bat à l’ouverture de Marilyn, et de tout ce qu’on ne saurait décrire, qui échappe à la raison, comme pendant trois heures les lois physiques n’ont plus eu cours.
J’avais craint que de voir l’envers du décor ne brise l’envoûtement. Mais comment aurait-il opéré si tout, même l’invisible, n’en avait fait partie ? Antony nous parle de l’équipe, septante personnes, comme d’une grande famille. Il nous présente le chef de la sécurité, le management, c’est vrai qu’ils ont tous l’air de bien s’entendre. On verra le coiffeur de Nicola, par hasard, ceux qui s’occupent du merchandising, et les autres, de loin, qui travaillent sur ce projet comme nous chanterons, en un seul choeur, deux heures plus tard.
Nous-mêmes ne nous sentirons jamais de trop. On tutoie Antony, il nous montre tout, et tous nous saluent… jusqu’à Nicola qui, après s’être donné âme et chair trois heures durant, et avant, encore, une réunion pour le futur DVD, a trouvé le temps de nous recevoir, de nous faire asseoir et de nous parler. Il a l’air heureux, il est très beau.
Merci Indochine Merci Nicola. Mais les mots n’existent pas pour le dire
Il avait remercié la salle, de lui avoir fait confiance depuis aussi longtemps. Il n’y a là rien d’irrationnel ; l’énergie nous a été donnée avant d’être rendue. Mais qu’Indochine batte si fort en chacun de nous, pour que douze mille visages, vingt-quatre mille bras et cinq fois autant de mains tendues ne fassent plus qu’un, au-delà de nous-même, c’est toujours un mystère. Et si ce n’est pas la vraie vie, mais ils la portent.
Elise