Arena Tour (2025-2026)

Reportage de Léa, concert de Bordeaux, le 05 mars 2025

À toi, Léa, la fille de 15 ans qui rêvait d’Indochine

Salut toi,
Tu ne vas pas me croire, mais un jour, tu vas le vivre.
Pas juste un concert. Pas juste un t-shirt trempé de sueur ou un autographe volé dans une FNAC bondée. Non. Mieux que tout ce que tu peux imaginer, là, dans ta chambre entièrement tapissée de posters, les yeux pleins d’étoiles et le mp3 branché sur Alice & June.

Un jour, tu vas devenir IndoReporter

Je sais. Tu ne sais même pas ce que c’est encore. Mais souviens-toi bien de ce mot. Parce que le 5 mars 2025, il va bouleverser ton monde.

Tout commence par un oubli. Tu es chez des amis, il est tard, tu rigoles, tu vis ta vie d’adulte. Et puis un message de ta mère : Tu as pensé à postuler ?. Tu avais zappé. Tu candidatures à la va-vite, in extremis avant minuit. Tu n’y crois pas. Mais quelque part, une petite flamme en toi y croit toujours.

Le lendemain, ton téléphone sonne. Numéro masqué. Tu décroches. Une voix te dit que tu as été sélectionnée. Tu trembles. Tu bafouilles. Ta cheffe te regarde et dit : File. Profite.

Et là, c’est parti

Tu appelles ta mère. T’es tellement émue qu’elle croit que t’es enceinte. Non, maman. Encore mieux.
Tu prépares quelques affaires. Tu n’as pas faim. Ton oncle et ta tante t’emmènent chez tes parents. Tu es déjà dans ton monde, difficile de suivre les conversations. C’est trop grand. Trop réel pour être réel. Tu te répètes en boucle : C’est moi. C’est vraiment moi. Incroyable !

15h40. Tu es devant l’Arkéa Arena. Tu te trompes d’entrée. Tu stresses. Tu rencontres Anastasia. Vous devenez complices en 3 phrases. C’est toujours comme ça entre fans : les repères sont immédiats.

Une camionnette noire passe. Puis Antony arrive. Il vous appelle par vos prénoms. Tu lui tends ta carte d’identité avec des mains qui tremblent.

Il ouvre une porte. Et derrière cette porte : Boris.

Oui. Boris Jardel. Celui que tu regardais en boucle dans les clips. Il est là. Il te dit bonjour. Il est souriant, paisible. Presque irréel.

Et tu entres dans une salle vide. Une arène fantôme. Tu entends les premières notes. Little Dolls. Et tu découvres que Boris joue aussi de la batterie. Tu souris. Bien sûr. Ce groupe est plein de surprises. Et toi, tu vis un moment volé au quotidien, suspendu dans un silence électrique.

Puis Nicola arrive. Tu le vois chuchoter Travailler chaque détail. Optimiser chaque silence. Popstitute commence. Et toi, tu es là, figée, sidérée. Tu ne veux rien manquer. Et dans ta tête résonne : J’ai trop d’ennemis, je reste à l’écart.

Et là, tout revient. À 15 ans, tu écoutais cette chanson en boucle. Tu la chantais comme un mantra, comme une prière silencieuse contre la violence des autres. Tu étais harcelée à l’école. Tu te sentais étrangère, invisible ou trop visible, jamais à ta place. Mais dans cette chanson, il y avait une main tendue. Un cri qui ressemblait au tien. Et tu t’étais accrochée à ça. À ces mots. À cette voix.

Et aujourd’hui, tu es là. Face à lui. Face à eux. Et tu mesures le chemin parcouru.

Après les répétitions, tu visites les coulisses. Tu découvres la Black Zone. Le maquillage, le kiné, les loges. Une affiche : Nicola au bout du couloir. Tu frissonnes. Tu touches le réel du bout des doigts. Tu vois l’envers du décor, l’intimité presque sacrée de ce monde que tu as toujours observé depuis l’autre côté.

Tu vois les instruments. Les micros. Les guitares. Les pédales d’effet. Et là, la guitariste en toi devient une enfant. Tu t’approches, lentement. Tu observes chaque détail, comme si tu voulais tout mémoriser.

Antony te laisse le choix pour ce soir : gradins (comme prévu) ou fosse. Tu choisis la fosse. Premier rang. Tu écris à ton mari. Ton meilleur ami. Venez. C’est maintenant ou jamais. Ils arrivent, comme dans un film. Vous êtes ensemble. Au bord de l’explosion.

18h30. L’attente. La fosse qui se remplit. Ton cœur qui bat trop fort. Tu regardes autour de toi. D’autres visages. D’autres histoires. Mais ce soir, tu n’es pas une parmi tant d’autres. Tu es au cœur du tourbillon.

Puis The Salinger. Tu chantes. Tu danses. Tu redeviens ado, là, contre la barrière. Et tu te sens exactement là où tu devais être.

Et puis Antony revient. Tu retournes en backstage. Encore. C’est presque irréel, mais tu ne veux plus te pincer. Tu veux croire à chaque seconde.

Ils arrivent. Ils descendent l’escalier. Tu les vois. Tous. Un par un.

Et tu ne pleures pas. Tu souris. C’est plus fort que les larmes. C’est une joie pleine. Brute. Immédiate.
Nicola demande : Vous êtes sœurs ?

Tu rigoles. Tu te détends. Et là, c’est la photo de groupe. Le toucher réel. Ta main dans son dos. Juste pour être sûre que tu ne rêves pas.

Tu lui tends la photo de 2009. Bordeaux. Fnac. Ta première rencontre. Il t’avait prise dans ses bras. Tu la lui racontes. Il s’en souvient ? Peut-être pas. Mais toi, tu t’en souviendras toute ta vie.

Tu parles de Jérémy. Ton meilleur ami. Ton témoin de mariage. Que tu as rencontré ce jour-là, en 2009, devant Nicola. La boucle est bouclée.

Tu leur fais signer Alice & June. Cet album où tout a commencé pour toi. Tu tentes un selfie avec Nicola, ton idole, il accepte. Le rêve.

Ils partent. Tu les regardes s’éloigner. Tu retiens tout. Tu graves tout. Le moindre geste. Le moindre regard. Tu veux que rien ne s’efface.

Tu retournes à ta place. Les lumières s’éteignent. Le public retient son souffle.
Babel Babel.

Et là, c’est le concert. L’explosion. L’extase. Les morceaux que tu connais par cœur. Popstitute, enfin. Tu la vis. De l’intérieur. Comme un secret partagé.

Tu danses. Tu chantes. Tu vis.

Et tu jettes un regard vers ton mari. Vers ton ami. Vers la fille que tu étais. Et tu te dis : Elle aurait été fière de moi.

Tu te dis : Si elle savait…

Mais maintenant, elle sait.
Et elle ne l’oubliera jamais.
Et peut-être qu’un jour, quelqu’un lira ces mots, et se dira à son tour : Pourquoi pas moi ?

Léa

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