Arena Tour (2025-2026)

Reportage de Clément, concert d'Orléans, le 7 novembre 2025

Indochine, c’est un peu comme la vie. Il y a les moments intenses, ceux plus apaisants, les temps d’attente puis celui des récompenses, les émotions dures et celles exaltantes, tout ceci en une journée comme le temps d’une vie. Et quand la chance s’invite dans cette vie, c’est que le grand vertige s’empare de vous, où la concentration s’étiole au profit d’une euphorie étouffante, comme tenu dans la raideur de votre propre souffle, sans rien qui ne puisse vous en descendre.

Cette emprise incandescente est celle qui vous enserre le corps, cueilli dans le jardin des sens brûlants, pour vous amener au firmament du monde dont vous avez toujours rêvé. Indochine, dans ses différentes décennies de carrière, a un peu tout vécu, tout traversé, et à travers sa propre histoire, c’est un peu aussi celle du fan que je suis qui s’est écrite et rien ne prédisposait à m’apporter encore plus d’émotions que toutes celles que j’ai déjà vécues aux côtés de ce groupe. Pourtant, ce vendredi 7 novembre 2025, à 10h54, il y a ce coup de fil en « Numéro Privé » qui fait sonner mon smartphone, et dans une fébrilité qui se propage comme des éclairs dans le ciel, je réponds en comprenant que ce coup de fil s’apprête à m’emmener encore un peu plus haut dans le rêve Indochinois.

Caennais en vacances, d’abord dans le Nord puis en région parisienne, je préparais mes affaires afin de prendre la route pour Orléans quand Antony m’appelle. Il m’annonce alors que j’ai été tiré au sort pour être IndoReporter dans le cadre du concert de ce soir, les deux seules conditions pour valider étant que je puisse être sur place à 15h30 et en possession de mon billet pour le concert. Autant dire deux formalités, pour quiconque sait comment fonctionne le système des IndoReporters depuis que le groupe a mis en place le concept voilà vingt ans, sur Alice & June Tour. Ni une ni deux, me voilà sur l’autoroute du bonheur, sans pouvoir me concentrer sur quoi que ce soit d’autre que ce qui m’attend au CO’Met Arena d’Orléans dans quelques heures (et sur la route, rassurez-vous).

Paradoxalement, je me persuade d’ignorer totalement ce qui m’attend, pour voir garder l’effet de surprise, peut-être. Je pense, vaguement, sans vraiment pouvoir raisonner, comme si ma tête était subitement devenue creuse, mes gestes mécaniques, ma vision nébuleuse, comme si c’était un autre moi qui conduisait, tandis que je songeais à tout et à rien. Peut-être, quand j’arrive en ville à 12h38, me dis-je alors c’est bon, ma voiture m’a amené à bon port, il peut tout arriver maintenant, je m’en fous, je serais à l’Arena à temps. C’est moins un aveu de faiblesse assumé qu’une vraie sensation de lâcher prise, où l’insignifiant devient essentiel, comme si chaque détail pavait la route vers l’horizon qui, malgré sa propre nature à rester loin, s’approchait à chacun de mes pas. Que faisait Indo à cette heure ? Répètent-ils ? Mangent-ils ? Appréhendent-ils ? Que font-ils que je ne fais pas ?

Pour rester connecté au réel, je fais mes courses de fortune, de quoi me remplir un peu le ventre, et pose mes bagages dans le logement qui m’accueille pour le week-end. Mais ce qui me relie le plus à l’essentiel, c’est de parler à mes amis à qui j’ai annoncé la nouvelle, et qui me croient à peine (c’est qu’ils connaissent mon sens de l’humour) et pour qui j’ai une pensée émue, en me demandant : pourquoi moi ? On réalise alors le privilège qui nous est donné, et ce n’est pas la seule fois que j’y pense. En fait, j’y repense souvent, et me dis qu’en toutes circonstances, il faut en être à la hauteur.

Et c’est à 15h27 que je me teste, là devant la salle, me demandant si déjà, c’était le bon jour, le bon endroit, la bonne heure, la bonne manière de faire. Le doute, toujours, même quand Antony me rappelle pour qu’on se retrouve à un endroit précis, rencontrer ma collègue d’un jour avec qui je vais partager le reste la journée (coucou Emeline) et obtenir le fameux pass qui permet d’accéder aux coulisses de l’Arena. Il faut dire que tout va très vite, à compter de ce moment. J’ai beaucoup de questions à poser à Antony, mais sitôt rentrés par la porte dérobée du bâtiment, tout de blanc et fièrement dressé à côté du Zénith, Emeline et moi entendons déjà le groupe jouer…

C’est sous le rythme frénétique de Punishment Park (jouée sur la scène B, au centre) qu’Indo nous accueille dans la salle où ils vont jouer ces deux prochains soirs. Comme un baiser qui nous invite, et nous enlève dans son tourbillon de cordes et sous les coups lâchés de Ludwig, le dernier-né a rejoint le groupe il y a plus de dix ans désormais. On découvre la setlist avant tous les autres, puisqu’Indo teste le rendu de ses morceaux lors de ces balances, et je m’amuse à dire que la première fois que j’entends Leila en live, ç’aura été pendant sa répétition !

Chance oblige, Antony nous annonce que le temps passé sur les balances est plus long que d’habitude, Nicola semblant vouloir revérifier certains rendus dont il ne tire pas entièrement satisfaction. Je trouve que la batterie a toujours été un peu fat, ça fait quelques jours que j’entends remarque-t-il, tout en vérifiant selon les patterns des différents morceaux (Little Dolls, Marilyn, Mao Boy) comment arranger le résultat via des ajustements techniques, qui le sont sans doute trop pour mes oreilles de néophytes qui n’entendent pas la différence.

Même en ayant conscience du professionnalisme du chef d’orchestre, je n’avais pas conscience de l’opiniâtreté dont il pouvait faire preuve, tel un leader qui sait où mener son équipe pour offrir le meilleur à son public, dans le beau comme dans le détail. Les autres chansons, même celles jouées tous les soirs, sont revues avec attention, ce qui nous donne presque l’impression de les entendre en version instrumentale, Nicola laissant la musique s’exprimer pour en étudier la sonorité, dans son ampleur et dans sa résonance. Car l’espace, aussi, joue son rôle. Avec Boris à la guitare acoustique, Nicola reprend Je ne peux plus dire Je t’aime de Jacques Higelin sur la scène C, puis quelques derniers titres sur la scène A avant de se retirer, une fois le groupe à peu près sûr de s’être approprié cette Arena de près de 10’000 places.

Il est alors 16h35, et c’est à notre tour de monter sur la scène. On n’a plus la présence du groupe (si ce n’est oLi réglant quelques derniers détails aux claviers, qui nous fait un check avant de rejoindre les loges à son tour) mais on prend temporairement sa place, voyant alors la salle sous un angle définitivement peu familier pour nous. L’Arena fait plus grande, sans public, et plus petite en même temps, hantée par le vide qui règne en ces lieux habituellement si denses. Le silence nous permet enfin d’échanger davantage avec Antony, tout en scrutant les instruments, l’écran gigantesque qui nous surplombe ou encore les dessous du plancher, où vibre une machinerie semblable à celle d’un vaisseau grondant. Puis il nous emmène derrière l’écran, soit l’un des endroits qui suscitaient le plus ma curiosité, et je n’ai pas été déçu : des consoles, des guitares, des techniciens de partout, tous activés et prêts à en découdre pour quand le show déploiera ses ailes dans encore quelques heures. Oui, on a encore le temps, et tant mieux, car on a encore beaucoup à voir. A ce propos, Antony nous emmène ensuite à l’étage, avec un détour par la Black Zone. Comme si on ne se sentait pas assez privilégiés, nous voilà en train de visiter les loges du groupe, qu’on ne dérangera pas bien entendu, c’est d’ailleurs le seul endroit de toute la visite où l’on doit rester silencieux et ne pas prendre de photos.

Ensuite, Antony nous emmène au Catering, soit le lieu de restauration pour le groupe, son staff et celui de la salle. C’est le moment le plus posé de la visite, où Antony nous invite même à nous servir dans le buffet (café, thé, fruits, yaourts…), mais c’est surtout dans cet intervalle de temps que l’on discute le plus avec lui. A la fois très avenant et professionnel, notre guide répond volontiers à toutes nos questions, autant sur l’Arena Tour (comment est conçu son plafond de LED, par exemple, mais on y apprend aussi que l’écran n’est utilisé qu’à 20% de sa capacité lumineuse, sinon il serait trop éblouissant pour les yeux) que sur les projets futurs du groupe. A l’évidence, et sans vraiment nous étonner, les réponses données sur ce dernier point restent évasives. Après tout c’est normal, comment apprécieront-on l’avenir si l’on savait déjà tout à l’avance ?

L’heure avance, le concert approche, d’ailleurs il fait déjà nuit dehors. C’est à 17h46 qu’Antony nous propose de venir faire un tour sur le parvis, profiter du Merch avant le reste du public et de l’ambiance quand l’excitation générale monte. Le gag, c’est aussi de voir oLi venir, désinvolte, essayer le pull de Noël vendu depuis peu sur la tournée, tandis qu’Emeline et moi-même faisons nos emplètes juste à côté !

On rigole, on rigole, mais il faut penser à se placer avant l’ouverture des portes. On revient alors dans la salle et assistons à un spectacle aussi inattendu qu’envoûtant : l’équipe technique teste les spots lumineux, vérifiant la bonne tenue du lightshow, faisant percer la lumière blanche dans le spectre ténébreux d’une salle encore fantôme. Le silence avant le bruit, dont on tire profit quand vient l’heure d’un dernier brief avec Antony. Nous rencontrerons le groupe peu avant le début du concert, et devons donc nous mettre d’accord sur l’endroit où nous devons nous placer, car quand la salle sera pleine et le DJ set de Lou démarré, Antony viendra nous chercher.

Ma place était en gradins, avec une belle vue plongeante sur la scène, mais la tentation est trop forte : j’obtiens d’Antony de pouvoir me placer sur la crash barrière en fosse. Ainsi je m’offre une place de choix devant la scène A, dans l’angle côté Boris, et il sera plus facile de venir me récupérer : ça arrange tout le monde !

A 18h32, les premiers fans investissent la salle, et je ne suis rapidement plus seul au niveau des places convoitées de la barrière. Je discute avec les gens autour de moi, j’en connais certains, fais connaissance avec d’autres, l’ambiance est d’emblée chaleureuse et l’on ne voit pas le temps passer. J’attends le concert comme tous les autres, exactement de la même façon qu’un autre jour, comme si je ne réalisais pas que la cerise sur le gâteau de cette incroyable journée était sur le point d’arriver. J’arrive à peine à nommer la chose, même quand je vois Lou commencer son set à 20h01, en sachant que sa prestation ne sera même pas terminée quand je serai extradé pour repartir dans les coulisses. Vais-je seulement le réaliser un jour, en fait ? Savoir que je vais rencontrer ceux par qui ma passion a commencé, ces musiciens dont le talent et l’univers ont bercé une partie importante de ma vie, et dont l’histoire suscite toujours en moi la plus grande admiration, tout cela, sans savoir à quoi parfaitement m’attendre. Quoi qu’il en soit, on sort temporairement de la salle, pour la dernière fois.

Tic Tac… Avec Antony, on attend entre les murs blancs des coulisses de la CO’Met Arena, patiemment, tandis que Lou finit son show et regagne sa propre loge. Elle s’amuse que je lui lance A demain. La vérité, c’est qu’Emeline est aussi nerveuse que moi. Le temps paraît long et court à la fois, sachant que ce n’est plus que l’affaire de quelques minutes. A 20h38, les cinq garçons arrivent enfin, concentrés, mais tout à fait disponibles. Le temps qui nous est alloué est cependant court, très court, il durera juste assez pour immortaliser ce moment via photos et autographes.

Nicola me demande mon prénom et me demande où il peut signer, je lui pointe fébrilement les cartons et les feutres mis à disposition par Antony. Chaque membre signe, tour à tour, non sans faire un check à chacun d’entre eux, avec de très brefs mots échangés durant ce laps de temps. Je me sens totalement flottant, comme lorsque j’ai appris que j’allais vivre ce moment dix heures auparavant, au point tel que je n’ai pensé qu’après coup que j’aurais pu les faire signer directement sur ma place de concert…

J’étais nerveux, vous dis-je. C’est déjà l’heure de la photo de groupe, je me place entre Nicola et Marco, et la prise compense d’emblée l’amertume des actes manqués : la photo est superbe ! En plus d’Antony, nous sommes pris dans l’objectif du photographe officiel d’Indo, qui nous assure un cliché à la captation parfaite. La photo est si satisfaisante qu’elle est même republiée sur les réseaux d’Indochine officiel, c’est d’ailleurs ainsi qu’une autre partie de mes amis découvriront que ce jour-là, oui, c’est moi qui ai eu la chance d’être IndoReporter. Une chance dont j’espère être digne, même si personne ne peut vraiment le juger.

Histoire de profiter de notre visite jusqu’au bout, car le souci aura vraiment été de nous immerger dans tous les aspects du show, nous assistons aussi à l’entrée en scène du groupe depuis les coulisses, à 20h45. Certes je rate l’intro sur Ma Vie est à Toi, mais qu’importe, j’ai d’autres dates de prévues pour la voir. Après tout, ce n’est pas tous les jours qu’on assiste à l’entrée du groupe de l’autre côté de la scène. Privilégiés jusqu’au bout…

Quant au concert, c’est du Indo, au top de sa forme et au cœur d’une tournée de tous les records, portant un album captivant qui sait se défendre sur scène. Je suis d’autant plus heureux d’avoir eu le privilège d’être IndoReporter sur cette tournée, qui apporte tant de satisfaction à son public et inspire le respect de la profession. Fort de son expérience, confiant en sa carrière passée et en l’avenir, respectueux et généreux avec son public (les concerts durent 2h45 tous les soirs, faut-il le rappeler), Indochine marche droit devant, fier et déterminé, poursuivant sa route et nous entraîne dans son sillage. Je sais la chance que j’ai eue, ce jour-là, et je la souhaite à tous les fans qui méritent cette expérience ; mais ne jamais perdre de vue qu’avoir Indochine vibrant au rythme de sa vie, c’est déjà une chance à elle seule.

Clément

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