Reportage d'Auryane, concert de Rouen, le 22 novembre 2025
20h20, le DJ set de Lou Sirkis enflamme les plus de 7500 spectateurices du Zénith de Rouen. Ce soir-là, comme les cinq fois dernières en Normandie, Indochine joue à guichets fermés. Tandis que la foule reprend le refrain de la chanson Tout contre nature, je passe par-dessus la crash barrière, serpentant le long de l’avancée. Je suis à la trace Antony, qui travaille pour Indochine. Lampe torche à la main, il éclaire faiblement mes pas afin que je ne trébuche pas sur la technique. Sur mon passage, des visages, ceux d’inconnu·es multi-générationnel·es, des visages amicaux aussi. Ils me crient Ouaiiiiis Auryane en me tendant leurs mains que je checke en retour. Si ce samedi 22 novembre 2025, je défie les lois du possible en me faufilant dans les coulisses de l’Arena Tour, c’est parce je suis l’une des deux IndoReporters du jour.
Un·e IndoReporter, c’est un·e fan tiré·e au sort par un membre d’Indo pour assister aux backstages. Pour moi, c’était une licorne : les chances d’en croiser une sont tellement infimes qu’on finit par en rêver sans y croire. Alors lorsqu’à 12h29, ma sonnerie de téléphone retentit, mon sang ne fait qu’un tour : Allô Auryane, c’est Antony. Félicitations, tu as été tirée au sort par Nicola. Tu es disponible pour assister aux répétitions ? Amandine, ma meilleure amie (et fan d’Indo également), étouffe un petit cri de joie à mes côtés. La visite rouennaise attendra… Quoique… Un petit saut au marché de Noël fraîchement inauguré ne nous fera pas de mal pour nous remettre de nos émotions.
Rebonjour Auryane ! Adresse : 15h au portail de sécurité à l’arrière du Zénith. En lisant le mail, je me sens comme une agente double : mi-fan, mi-infiltrée. Amandine m’accompagne au point de rendez-vous où nous rencontrons Elsa, ma binôme du jour et ses amis. Malgré l’air frais, les échanges sont chaleureux. L’avantage, quand on est fan d’un groupe de rock depuis 15 ans comme je le suis, c’est qu’on a matière à discussion : entre campings et apéros improvisés sur le parvis des salles, amitiés et souvenirs de concerts, le temps file. Voilà déjà Antony venu nous chercher. Amandine me chuchote : Profite à fond. Un dernier câlin et en route vers le futur !
Des technicien·nes s’affairent aux quatre coins de la salle de spectacle. La lumière est crue, omniprésente, éclairant intensément les sièges vides. À 15h45, oLi, Boris, Ludwig et Marco pointent le bout de leur nez sur la stage B (bout de l’avancée). Et soudain, surgit de nulle part, Nicola nous salue Elsa et moi, sourire aux lèvres, murmurant : Quelle chance. Je reste scotchée. Pas le temps de réaliser ce qu’il m’arrive que les premières notes de Leila sont entonnées. Je ne l’avais jamais entendue en live. Emportée par ce son « eigthies », je tourne autour de l’avancée tel un satellite en orbite. Les garçons enchaînent avec Popstitute (scène B), Je ne peux plus dire je t’aime de Jacques Higelin (scènes B et C), Babel Babel (scène A). Les répétitions s’achèvent sur Un Singe en Hiver. Nicola la joue seul sur scène avec sa gratte. Antony nous rapporte que la setlist est validée le jour J par le groupe. Il leur arrive bien sûr de l’adapter en dernière minute ou de répéter une chanson qu’ils joueront sur une autre date.
Après cette séquence riche en émotions, 16h28 sonne le retour de l’armée de technicien·nes, iels sont 80 à travailler sur la tournée. Les jours de montage/démontage du show, leur nombre augmente à 300. Nous gravissons les marches qui nous mènent aux milliers de mètres carrés qui composent l’écran, la scène principale et l’avancée. Ce petit bijou de technologie est exploité à 20% de sa luminosité max. Plus vous grillerait la rétine. Au-dessus de nos têtes, ce sont 12 000 leds sur batteries qui illumineront bientôt la salle. Ces leds sont connectées aux bracelets lumineux qui seront distribués dès l’ouverture des portes au public. Comme une gamine, je me sens d’humeur espiègle, franchissant brièvement l’avancée, repérant quelques-uns des 17 prompteurs de la scène. Puis je me penche au-dessus des ours en peluche placés devant la batterie de Ludwig. Sur cette tournée, on a un semi-remorque (30 au total) dédié aux cadeaux des fans. Le groupe garde tout. On stocke même les éléments de décors des précédentes tournées. La tour de Berlin qui décorait le Stade de France en 2014 par exemple, elle est dans un hangar, me lance Antony pendant que les teddy bears se font recouvrir d’un drap de protection siglé Arena Tour. Je me dis qu’avec 44 ans de carrière, Indo aurait clairement de quoi créer une expo. Je fais part de mon impression à Antony. Il rigole : On y a déjà pensé, mais on manque de temps.
16h53, nous descendons de scène pour découvrir ma partie préférée : les backstages, un long couloir sinueux où flight cases, régies et câble management vivent en harmonie. Dans ce climat intimiste et nocturne, les backliners veillent au bon soin des instruments. Guillaume s’occupe de Gina, Vanessa, Cocaïne et la Belge, les guitares de Boris ! Et aussi des basses de Marco. Antoine veille sur les guitares de Nicola et oLi, Tony sur le micro de Nicola. Il assiste aussi Ludwig pour la batterie. On a toujours des guitares de rechange en cas de pépin. Les cordes sont changées tous les deux jours. Pareil pour les réglages des pédales, tout est automatisé, mais elles peuvent être activées en coulisse manuellement, nous raconte Guillaume. Accroché au-dessus des guitares de Boris, un masque noir. Il a été porté par la mystérieuse première partie d’Indochine lors de l’Acte I… Je fronce les sourcils : D’ailleurs c’était quels techos The Salinger ? Antony évasif et malicieux : Tu serais surprise… À quelques mètres de nous, oLi est penché sur la console son du groupe. C’est cette console qui permet aux garçons d’avoir un retour personnalisé en fonction des préférences de chacun : Plus de basse ? De voix ? De public ? Tout est possible.
17h15, on passe furtivement devant la loge de fortune de Nicola. Celle-ci est utilisée lors des derniers ajustements du chanteur avant de monter sur scène. Puis on prend un escalier direction la zone des loges surnommée la Black Zone. J’en compte trois, une pour la première partie du soir, une pour le groupe et une pour Nicola, qui a souvent des interviews à mener dans l’après-midi et a donc droit à sa propre zone de calme. Dans la Black Zone, la concentration se matérialise par le silence. Avec Elsa, nous nous faisons discrètes passant à pas feutrés devant les portes closes. Au bout du couloir, non pas un homme, mais le Catering. Antony nous propose un café que j’accepte avec grand plaisir. Je l’avale d’une traite tant l’effet de la caféine m’a manqué. Des sacs en carton contenant les précieux repas de l’équipe technique s’empilent sur une table. En cuisine, femmes et hommes s’agitent pour répondre au mieux aux régimes alimentaires spécifiques de chaque membre du groupe, Ludwig étant végétarien. Elsa remarque que la production et le label Play Two ont leur local. Histoire de gagner en réactivité pour la logistique de cette sacrée machine qu’est l’Arena Tour.
Depuis qu’on est rentrée dans l’intimité du plus grand spectacle de France, c’est fou comme les minutes défilent à une vitesse folle. 17h31, nous voilà déjà devant le Merchandising. Elsa fait son shopping. Le mien, je l’ai fait la veille. C’était ma première date sur la deuxième partie de la tournée. Je me suis donc jetée sur le pull de Noël, le débardeur, le bonnet et la casquette, sûrement séduite par les reflets violets qui m’attirent tel un chat devant un rayon laser. J’en profite nonobstant pour faire tamponner mon passeport de la République de Babel Babel. Cet artefact est disponible dans le coffret collector du dernier album. Pour chaque concert, on peut le tamponner à la date du jour. Scoop : un gros lot sera attribué à celleux qui collectionnent le plus de tampons.
L’affiche promotionnelle de l’Arena Tour, réalisée par le graphiste Gerald Wassen, se trouve juste à côté du Merch. Antony nous montre quelques easter eggs cachés dans l’affiche : Émilie, la manageuse promenant son chien, les leds de l’Arena Tour, la tour de Babel Babel, l’affiche de The Salingers, la croix d’Indochine Records. Indochine a toujours eu des messages à double sens. Je vous invite à retourner vos artworks de l’album 13, nous explique Antony. Il poursuit : Dans la chanson Un été français, Nicola parle de poissons volants et bien c’est tout simplement une phrase de son fils Jules. L’anecdote est extrêmement mignonne, je souris de bonheur d’être la petite souris du jour qui me glisse dans l’intimité d’un monument du rock.
Ce soir, je fêterai mon quinzième concert de l’Arena Tour, mais également mon soixante-quinzième concert d’Indochine. Nous retournons brièvement dans la salle où une fumée discrète se diffuse lentement depuis 17h afin que les faisceaux lumineux soient les plus visibles possibles. Nous avons même droit à un petit test pyrotechnique où des flammes jaillissent des 6 vasques. 18h10, la nuit s’est installée. Nous affrontons une dernière fois le froid normand pour chercher nos accompagnantes. Amandine attend déjà devant les grilles. Je lui tends son bracelet lumineux tout en filmant sa réaction. On est morte de rire toutes les deux. Ce soir, le Zénith rouennais s’est paré d’une teinte bleutée. Et revoilà la salle. Antony nous invite à choisir notre place devant la crash. Nous qui avons l’habitude de camper par monts et par vaux, quel luxe. Ce soir, ce sera scène A, angle oLi pour Amandine et moi. Quant à Elsa et son amie, elles choisissent le même spot, côté Boris.
Enfin seules, Amandine me bombarde de question : C’était bien ? Tu as pu filmer ? Prendre des photos ? T’as posé quoi comme questions ? Euphorique, je réponds : Toutes celles qu’il ne faut pas poser. Antony n’a pas voulu cracher le morceau pour Alice & June +20. Mais il y aura bien un truc. Va savoir quoi… Le groupe garde la surprise… Encyclopédique, j’expulse toutes les informations accumulées par peur de les oublier : Tu savais que les rushes du 13 Tour existent ? Ça serait fou d’avoir enfin un DVD. Bon pour cette tournée une captation live est prévue. En plus, le clip Sanna sur la Croix est toujours dans les tuyaux. J’ai hâte de voir le résultat. Amandine, qui ne peut en placer une, écoute religieusement mon monologue passionné. Nous sommes tellement dans notre bulle que nous en oublions presque qu’il est 18h30. Les cas des premiers rangs entrent dans l’arène. Iels courent à toute vitesse pour obtenir un bout de barrière, qui se remplit à tout berzingue.
En un clignement de cils, me voilà affalée sur un canapé noir devant la Black Zone. Il est 20h27. Le temps s’est distordu, trou noir, happant la première partie. Elsa semble nerveuse. Antony est parti voir où en sont les garçons. Lou monte les escaliers, masque noir sur le visage et toussant. La pauvre est malade. Tour à tour, Marco, Ludwig, oLi, Boris et Nicola sortent des loges. Je me redresse au garde à vous, comme pour présenter mes respects. Je tends timidement mon passeport à Marco en bredouillant : – Tu sais, je fais tout mon possible pour que tu aies ton fan club. – Ah. Merci. Il est vrai que Marco est mon petit chouchou, avec sa bonne humeur et sa façon de jouer avec le public. Au tour de Ludwig, qui rallume les braises de mon chauvinisme : – Tu viens toujours d’Alsace ? Tu as vu qu’il neige comme au marché de Noël ! – Mais Ludwig, je ne te connaissais pas si fervent admirateur de ma région. Bon j’aurais pu m’en douter… Quand j’étais montée sur scène à Reims, il avait crié ALSACE ! en me voyant. Quant à oLi, Boris et Nicola. Je marmonne timidement : Merci… Ces quinze années avec vous ont été extraordinaires. Rien ne me vient. Sans doute parce que j’exprime déjà assez mes ressentis et ma créativité dans les vidéos et les lives twitch que je fais sur Indochine.
Les garçons descendent l’escalier. Avec Elsa nous leur crions : BON CONCERT ! Puis, nous les suivons jusqu’aux backstages. 20h39, début de Road to Nowhere, la chanson d’ambiance d’avant live. La fourmilière s’active. oLi checke les techniciens. Amar, le garde du corps du groupe, effectue quelques pas de danse. Marco discute avec Guillaume. Emilie accoudée à un flight case, swipe sur son portable. Boris revêt sa guitare. Finalement il en prend une autre. L’introduction de Babel Babel se lance. Ludwig monte sur scène, on entend la clameur gronder depuis l’arrière. Au tour des autres. Enfin, Nicola sort de sa loge de fortune, attrape sa guitare et apparaît à son tour. Le show commence.
Raccompagnées par Antony, nous retournons à nos places respectives pour vivre 2h40 d’un concert bien rodé. Le groupe a pris la décision de jouer en priorité les chansons du dernier album. Penser que les 17 chansons ont été triées parmi 200 créations originales me donne le vertige. L’amour fou, dont le clip signé David LaChapelle apparaît en arrière plan, envoie la première salve des 130 kilos de confettis crachés chaque soir. Lorsque Nicola pianote les premières notes d’Annabelle Lee, nos yeux restent alertes sur l’écran. Plus de 10 000 photos de personnes défuntes ont été reçues, c’est juste énorme. On ne fait que passer comme des vaisseaux fantômes, ces paroles me foutent la boule au ventre. C’est d’autant plus poignant lorsque l’on sait que cette chanson part d’une perte personnelle de Nicola. Amandine voit pour la première fois du tour, la photo de son amie Marianne. Émue, elle la pointe du doigt : Je la vois enfin ! Pas le temps d’encaisser que voici No Name, dont le clip éclair a été tourné au Japon. Sur cet Arena Tour c’est Nicola et la graphiste Peggy qui ont imaginé la direction artistique du spectacle sur certains tableaux. Ça fait plaisir de voir que malgré la centaine de dates partout en France, c’est la même petite équipe de confiance qui continue de créer ensemble.
Le groupe s’envole vers la scène B pour jouer leurs plus grands hits. Avec pour extra des inédits de la période 1983-1985 comme Leila ce soir-là. Avec Amandine, on s’amuse à reproduire la chorégraphie de l’écran géant. Quel plaisir de réentendre les bangers de l’album Paradize en live comme Popstitude, Mao Boy et Punker. Sur Miss Paramount, on se pogote, on lève les bras en l’air en hurlant WOUHOUUU ! On connaît les mouvements par cœur. Sur Alice & June, on saute telles des piles électriques. Déjà nostalgiques de l’époque, on mime Nicola quand il prend la main d’un·e fan. Lors de La vie est à nous, je ressens encore la joie pure d’avoir foulé la scène à Reims. J’avais frappé de toutes mes forces sur les tonneaux jusqu’à l’essoufflement total. Comment Nicola fait pour chanter et courir partout ? C’est irréel. Loin des yeux, mais près du cœur, je m’esclaffe à tous les mouvements de mains de Marco. Stage C : les mots de Jacques Higelin entrent en résonance avec le public Je ne peux plus dire je t’aime… Ne me demande pas pourquoi. Mes yeux s’humidifient un instant. Je prends conscience de la chance que j’ai et profite à fond de ces instants précieux. La communion est totale entre le groupe et son public. Pour une dernière fois dans l’enceinte rouennaise, L’Aventurier déchaîne les passions et les foules. Tandis qu’En route vers le futur, tisse une promesse indicible, celui que l’avenir d’Indochine n’est pas scellé. Plus proche de la fin que du début, le groupe ne s’arrêtera pas comme ça. Il dessinera encore de beaux moments dans la courbe de nos vies.
Depuis mes 13 ans, Indochine a toujours été ma bouée de sauvetage quand la vie était plus cruelle que belle. J’en ai encore eu la preuve aujourd’hui. Le matin même avant l’appel d’Antony, j’avais les larmes aux yeux, une chape de plomb recouvrant mes pensées. Pourtant, j’ai passé la journée la plus extraordinaire de 2025, esquissant un sourire que je croyais perdu à jamais. Indochine c’est aussi ma bulle créative, j’écris, je tourne des clips vidéo, je fais des lives Twitch, je dessine, je me maquille de tout l’univers Indochinois qui me fait vibrer.
Alors merci à mes proches, d’avoir toujours compris l’importance de ce groupe pour moi. Merci à mon frère d’avoir regardé MTV pour que je puisse tomber sur J’ai demandé à la lune et Marylin du haut de mes six ans. Merci à ma sœur de m’avoir permis d’assister au Meteor Tour ce 9 mars 2010 à Strasbourg. Merci à mon papa de m’avoir accompagnée au Stade de France 2010 pour me faire vivre le concert le plus mémorable de ma vie. Merci à ma maman, d’avoir été si permissive, signant des excuses à la vie scolaire qui me permettaient de faire l’école buissonnière et de suivre Indochine partout en France. Merci à mes deux ratsches d’Alsace, Amandine et Émilie d’être les plus belles amitiés que la vie m’ait donné par delà la distance et le temps.
Merci aux fans que je croise pendant les attentes et avec qui tout passe plus vite. Merci de votre confiance, quand je vous gribouille des petits dessins sur le coin des yeux pour habiller vos regards.
Merci aux technicien·nes et à toustes celleux sans qui l’Arena Tour ne serait pas possible.
Merci Elsa, d’avoir été ma binôme d’un jour.
Antony, pardon pour les tympans pété lors de notre appel. Merci d’avoir été un guide merveilleux et patient pour l’insatiable et curieuse fan que je suis.
Et merci Nicola, oLi, Boris, Marco, Ludwig pour tout ce que vous m’avez fait vivre depuis 2010 et ce que vous continuez à envoyer. Vous prenez soin de nous et on vous le rend bien. A très très vite sur les routes de France.
Auryane (vidéo)