Reportage d'Aurore, concert de Strasbourg, le 26 février 2025
L’immersion
12:49, le téléphone sonne. Numéro masqué, mais qu’est-ce que cela peut-être ? Très vite, je me rappelle ce courriel envoyé la nuit dernière, du fond de mon lit. La voix chaleureuse et enjouée d’Antony valide mon hypothèse et me plonge dans une situation inattendue, un mélange d’excitation et de sidération : ce ne peut pas être réel, si ? Pourtant Antony confirme, la main de Nicola a tiré au sort mon courriel, j’ai rendez-vous dans quelques heures au Zénith de Strasbourg pour être IndoReporter.
Le sourire béat sur mon visage, je rejoins Marion qui semble attendre comme moi l’heureux évènement, emmitouflée. Je reconnais cette expression sur son visage, mélange d’attente et de hâte.
Nous patienterons quelques minutes avant de pouvoir rencontrer Antony à la grille de l’entrée des artistes du Zénith. Il contrôle nos noms, nos billets, et c’est parti ! Antony nous expose avec enthousiasme le programme de cette fin d’après-midi. L’aventure commence, j’ai du mal à y croire.
Très vite, nous assaillons Antony de questions : combien de LEDS scintillent au plafond ? est-il adaptable ? change-t-il à chaque salle comme la scène ? Combien d’écrans suspendus ? combien de personnes travaillent dans l’ombre de cette colossale machine ? Notre curiosité s’emballe déjà. Alors que nous échangeons, nous pénétrons dans le Zénith vide de tout spectateur. Quelle drôle d’impression. Quelques techniciens passent ici et là et nous saluent avec le sourire. Certains portent des câbles épais sur les épaules, d’autres des outils. Ils peaufinent la machine.
A ce moment, les garçons comme le dit si bien Antony, s’installent pour répéter. Chacun à sa place, les échanges sont discrets à travers leurs micros et leurs oreillettes. Le travail s’opère, chacun est attentif et concentré. Ils travaillent ensemble à améliorer ce morceau mythique et intergénérationnel qui fait la réputation d’Indochine depuis 1982. Des regards échangés, des sourires parfois ou des expressions insatisfaites. Là-haut dans les gradins, les consoles du son surplombent la fosse encore vide : Nicola est aux commandes. Il a l’œil sur ce qu’il se passe, mais surtout l’oreille. Il orchestre les ajustements que notre ouïe perçoit à peine. Rien n’est laissé au hasard. Nous ressentons chacun s’appliquer avec sérieux, pourtant l’ambiance est détendue malgré quelques insatisfactions passagères, en attendant le résultat escompté.
Entre deux essais, Antony nous explique l’évolution du concert depuis son premier jour et l’incroyable travail qui est effectué par tous. Chaque jour des ajustements sont faits et chaque date apporte avec elle son opportunité de mieux faire, d’améliorer, de perfectionner. Tout cela avec pour seul objectif : en mettre plein les yeux au public. Le souci du détail, le perfectionnisme trahissent l’exigence des garçons. Leur professionnalisme est émouvant, car il transpire la passion. Un travail d’équipe de tous les instants, puisqu’après le concert, un débrief est organisé afin d’émettre des axes d’améliorations.
oLi et Ludwig échangerons quelques mots avec nous lorsque le rendu aura été satisfaisant pour la bande. Boris passera également nous saluer très rapidement. Simplicité, sourire aux lèvres. Un peu de fatigue, à peine perceptible. Nous échangeons brièvement sur la meilleure place d’où admirer le spectacle. J’ai pris le pli d’aller une fois en fosse et une fois en gradin depuis quelques tournées. oLi confirme l’idée des gradins pour une vue d’ensemble réussie. Nous les laissons filer à leur préparation.
Antony nous explique les autres inventions ingénieuses de cette tournée : un ascenseur permet à Ludwig de jouer à proximité du public sur la deuxième scène. De l’extérieur, rien n’est pourtant visible.
On découvre que ce travail se prépare en amont avec des ingénieurs, la ligne de conduite toujours donnée par Nicola. Différents artistes collaborent aux vidéos projetées, des entreprises sont sollicitées pour réaliser certains projets notamment cette projection d’un monde sans dessus dessous sur l’introduction de L’Aventurier. Le plafond et les bracelets lumineux accordés eux, sont une ingénierie québécoise. La créativité est partout. Nous échangeons tous les trois sur nos morceaux favoris, et les moments les plus émouvant que nous avons pu vivre lors des différents concerts d’Indochine auxquels nous avons pu assister.
Toujours accompagné de notre guide Antony, nous poursuivons notre visite derrière la scène où nous découvrons de nombreuses consoles. Celles-ci gèrent principalement les lumières et les vidéos, mais aussi pour certaines les sons. Nous découvrons que chaque technicien personnalise l’endroit comme pour se sentir à la maison où qu’il soit sur la route. Les consoles sont parsemées de grigris et objets en tout genre. Je reconnais les lunettes 3D de M d’une tournée passée. Des peluches. Des photos. Je pense à leurs familles. A certains endroits, on trouve les bleus de travail de l’Arena Tour, attendant leurs propriétaires. Quelle idée créative et corporate. Des boutons de toute forme, des écrans de toutes tailles et des câbles en tout genre. Au milieu de tout cet attirail, une toute petite tente noire est dressée : elle sert de loge d’appoint pour permettre à Nicola de prendre soin de lui entre deux morceaux. Un cocon pour se recentrer, face à 11 500 personnes. Est-ce vraiment possible ?
Après avoir fait le tour de cet espace étriqué mais bien organisé, nous explorons la scène avec beaucoup de curiosité. Des centaines d’écrans qui ne font qu’un, et qui constituent la scène aussi. Des écrans transparents qui plus est. Quelle prouesse technologique ! Antony nous explique alors les aléas de ces défis techniques, notamment lors des coupures de courant comme il a pu déjà se produire sur un ancien concert. Il faut meubler nous explique-t-il. On imagine bien la ressource créative que cela requiert et à la fois la frustration que cela doit générer quand on constate tous les efforts qui sont déployés ici pour que le spectateur soit immergé dans une expérience exceptionnelle. Show must go on.
La visite se poursuit dans les loges. Une guirlande lumineuse nous mène au véritable cocon des garçons, un espace de calme et silencieux que nous respectons presque religieusement. Les loges sont réparties avec un espace bien être et un espace de kinésithérapie. Ce cocon, c’est notamment grâce à Aude qu’il existe : elle veille à l’installation des loges, des effets personnels des garçons.
Le rideau noir qui sépare les loges du reste du couloir fait son effet, de l’autre côté le monde ne semble plus exister. Tout est très calme à quelques heures du grand show.
Nous redescendons au Catering et nous prenons conscience à quel point l’Arena Tour est un village mobile, qui se déplace de ville en ville. Nous croisons de nouveaux visages, toujours enjoués, satisfaits, focus dans leur tâche. Les cuisiniers et l’équipe du Catering s’affairent, une odeur agréable vient chatouiller nos narines. Pour assurer la tournée, une hygiène de vie la plus saine possible est la clef nous explique Antony.
Nous avons d’ailleurs beaucoup échangé sur l’importance de se sentir bien dans son corps, bien dans sa tête pour les garçons et les 300 personnes qui partagent cette folle tournée de l’Arena Tour. L’ambiance est joviale et on ressent une proximité entre tous qui n’est guère moins comparable à une grande famille. Peu importe où nous allons dans ce Zénith tout le monde se connaît, tout le monde se salue, tout le monde échange simplement sur les éléments à préparer, réparer. Une ambiance bienveillante règne dans cette équipe, une preuve que la bienveillance n’est pas incompatible avec rigueur, qualité et résultat.
Pour la suite de l’après-midi, nous passons au merchandising saluer les courageux vendeurs qui font face à la vague de fans déchaînés, prêts à s’arracher le moindre goodies. Eux aussi ont un job important et ils sont loin d’être épargnés par la foule, pourtant toujours souriant, toujours efficaces.
Déjà 18h30, l’après-midi est passée en un clin d’œil. J’en oublie qu’on rencontrera le groupe plus intimement tellement mes yeux scintillent d’avoir pu enfin découvrir ces coulisses. Antony nous ramène aux crash barrières, au bord du proscenium. Il reviendra nous récupérer durant la première partie pour rencontrer le groupe. Jusqu’au dernier moment, on a du mal à y croire. Nous retrouvons nos amis, on rencontre d’autres personnes curieuses de nous voir déjà présentes lorsqu’ils arrivent en courant pour s’installer. Je me revois 10 ans plus tôt dans ce même Zénith… j’avais eu cette chance du premier rang et de monter sur scène. Les larmes montent.
The Salinger débute son show et chauffe la salle de sa setlist outre atlantique. Je reconnais les attraits britanniques qui nous font nous déhancher avec douceur, dans l’attente de ce moment qui nous est promis. Lorsque Antony vient nous récupérer, tout de bleu vêtu, la salle est comble. Nous passons au-dessus de la crash barrière grâce à un agent sécurité qui visiblement, a mis au point une technique efficace pour nous sortir de là. Projetées dans cet espace réduit entre scène et fosse, avec Marion, nous sentons notre cœur battre à tout rompre. On passe à l’arrière de la scène. Dans les couloirs, les guirlandes lumineuses nous guident ainsi que l’odeur de l’encens, tout droit vers un sas dans lequel nous sommes déjà passés auparavant.
Antony nous rappelle que le moment va passer très vite et peut s’avérer impressionnant. Nous parlons rapidement sécurité, guettant les bruits qui indiqueraient l’arrivée imminente des garçons. Marion et moi sommes soucieuses de les déranger, à quelques minutes à peine du show qui les attend. Antony nous rassure sur ce point et avant même qu’il finisse sa phrase, les pas dans l’escalier nous indique leur venue.
Mon cœur explose de joie, je reste sans voix lorsqu’ils apparaissent tous les cinq devant nous. Le bonjour est timide presque inaudible. Je tends ma place pour un autographe, le sourire béat sur mon visage trahit sans doute mon admiration. A peine les mots pour les remercier, j’avais songé à des questions pour me préparer à ce moment mais face à l’intensité du moment, elles se sont évaporées, comme ma voix. Je suis époustouflée par leur simplicité et leur calme avant ce grand moment. Une photo de groupe, quelques mots échangés avec eux pour les remercier encore et les encourager. Ils partent sereinement vers la scène alors que mes jambes se dérobent sous moi.
Nous les observons depuis les consoles, prêts à bondir sur scène. Un check incontournable entre eux avant d’aller à l’assaut de ces 11 500 personnes les attendent et les applaudissent déjà. Pour eux, cela semble si naturel qu’on reste stupéfait de tant de sérénité.
Déjà, notre aimable guide nous raccompagne dans la fosse et tandis que je sèche les larmes venues souligner l’émotion du moment, nous revoilà dans les bras de l’agent de sécurité qui nous repositionne à nos places. Nous quittons Antony, le sourire aux lèvres, des remerciements chaleureux et lui souhaitons bonne chance.
Babel Babel qui a déjà commencé me ramène doucement à cette ambiance familière des concerts indochinois.
A chaque concert d’Indochine on retrouve ces ingrédients qui leurs sont propres : l’émotion, le partage, la proximité. Leur signature, c’est bien cette communion avec le public quelle que soit l’endroit où le groupe se produit. Et je m’aperçois que cela est possible grâce à de nombreux paramètres finement millimétrés, un travail colossal accompli grâce à de nombreuses personnes, souvent dans l’ombre. Je pars le cœur plein de reconnaissance et de gratitude, convaincue que la relation étroite et familière qu’Indochine a avec son public prend racine dans leur façon d’être qui leur est propre : la simplicité.
Aurore